Un officier à la stature imposante et la mine fière écarta alors les premiers rangs et dit à Lechaïm : « Tu parles bien, étranger ; mais que feraient des paroles sans la persuasion du glaive ? » Lechaïm s’inclina légèrement devant l’officier et le salua en ces termes :
Bienvenue est ta sagesse, Qui m’a laissé parler sans me connaître Quand tu pouvais disperser la foule. En vérité, seul est habité ici-bas De la force ultime des dieux L’humain qui maîtrise sa peur Et retient son bras, Sachant les mots précieux Qui apaisent les hommes Sans se saisir de son glaive. Qui a jamais persuadé par le fer brandi ? Celui-là est craint, qui sans trêve Contient ses adversaires Et tue ses ennemis, Du moins ceux qu’il croit tels. Mais le sang versé nourrit l’inquiétude, Il n’apaise ni ne convainc, et la cité, Redoutant le poing qui s’abat Comme le laboureur craint la grêle, Mettra fin au pouvoir du glaive. Valeureux est celui qui commande En étant aimé autant qu’obéi, Laissant l’épée au fourreau Tant que le geste et la voix Calment l’homme querelleur. Son nom sera encore prononcé Par les femmes devant l’âtre, Et les enfants devenues mères Se rappelleront le temps de ses jours.