Un homme corpulent, aux riches habits, lui demanda avec un regard brillant : « En d’autres contrées que la nôtre, il est permis aux hommes d’avoir plusieurs femmes pour épouses ; qu’en penses-tu ? » Lechaïm marqua une pause puis déclara :
La loi est le bien commun, Faite par l’homme pour la cité, Pour que chacun ait une règle, Une voie mesurée et sage. Ce que tous ont fait, Que tous l’acceptent, C’est le prix de l’harmonie Et le socle de la paix, Qui permet à l’un de bâtir Et à l’autre de récolter. D’autres l’ont dit jadis : Si tout est possible, Tout n’est pas souhaitable, Car fragile est le lien Qui unit en tous temps Les membres d’une cité. Précieuse est la concorde, Vite blessée, bientôt ruinée, Et l’homme connaît l’envie, Celle d’avoir plutôt que d’être, Sans trêve, sans but et sans fin. La femme n’est-elle qu’un bien Que l’on acquiert ici Ou qui s’achète là ? Et plairait-il aux dieux Que toujours l’on vénère, Que les uns aient en trop Ce que d’autres n’auraient jamais ? Interroge les femmes, Laisse parler les mères Sur ce qui est leur bien, Et ce qui est leur dû : L’amour échangé de l’un à l’une, Et pas seulement le désir de l’homme, Souvent multiple, parfois brutal. Elles sont plus sages que les prêtres, Plus justes que les juges, Plus généreuses que les prodigues Et plus honnêtes que les prêteurs. Car elles font une merveille Avec la semence qui se répand De l’homme souvent futile, Et savent le prix des choses, Celui de la vie à naître, Que tout leur être saura chérir.